Roberto SAVIANO a encore frappé. Après avoir décrit l’horreur et la brutalité engendrée par la mafia napolitaine, la célèbre CAMORRA, dans son livre GOMORRA, adapté par la suite au grand écran, il élargit le gens de son investigation pour s’intéresser au business mondial de la drogue et principalement à celui de la cocaïne.
L’enquête est saisissante. Alors que les médias français restent concentrés sur le terrorisme et les guerres de DAECH au Moyen-Orient, l’auteur décrit dans EXTRA PURE (Editions Gallimard, 21,90 €) l’enfer mexicain dominé par les cartels locaux de la drogue en lien direct avec les producteurs colombiens de cocaïne et véritable tête de pont vers le marché immense des Etats-Unis.
Le Mexique, c’est 76.000 morts en 6 ans avec son cortège de corps décapités à la tronçonneuse, retrouvés en morceaux au bord de routes, de policiers et magistrats corrompus et la DEA (l’administration anti-drogue américaine) en seul vrai contre-pouvoir efficace.
Et la Colombie alors ? Si la situation sécuritaire s’est améliorée avec le désarmement des milices anti-FARC et des négociations en vue d’un accord de paix entre ces derniers et le gouvernement colombien, la production de la cocaïne est devenue beaucoup plus segmentée (les milices anti-FARC et le groupe militaire d’extrême gauche étaient tous les deux les principaux producteurs de cocaïne du pays jusqu’à peu) mais la Colombie fournit toujours 50 % de la demande mondiale.
En Europe, c’est la mafia calabraise qui tient le marché, avec l’Afrique comme halte privilégiée de la marchandise. Une mafia intelligente, qui évite de s’entretuer, aux structures familiales, avec des règles strictes et qui agit dans l’ombre et la discrétion tout en se développant ailleurs dans le monde avec comme relais de distribution les émigrés originaires de la région.
Egalement, au cœur du trafic de cocaïne, notamment en Europe de l’Est, la mafia russe, la plus violente au monde selon l’administration américaine.
Grâce à cette enquête très fouillée, pleine de témoignages et d’anecdotes, Roberto SAVIANO met en lumière le business le plus florissant et le plus violent de la planète avec une demande toujours en forte augmentation malgré la prohibition mondiale et une valeur de la marchandise qui est multipliée par 1.000 entre le lieu de production et celui de distribution dans les villes du monde moderne, toujours à la recherche de l’existant qui permet d’aller plus vite, de tenir plus longtemps … au risque de mettre gravement en danger sa santé.
Mais comme le démontre Roberto SAVIANO, ce business serait réduit à néant si les banques, principalement occidentales, ne blanchissaient pas l'argent issu du narcotrafic. Et si des banques, pris en flagrant délit de blanchissement, via un système opaque et éprouvé de sociétés offshore, ont accepté de payer d'importantes amendes (souvent des millions voire des milliards de dollars) principalement à l'administration américaine, leurs dirigeants n'ont jamais été inquiétés. Et pendant ce temps, la machine à blanchiment continue par des circuits très divers et souvent innovants.
Enfin, ce livre est également l’occasion pour l’auteur de s’interroger sur son propre parcours qui lui vaut de vivre toujours sous une écrasante mais si nécessaire protection policière, et ce 24 heures/24, 7jours/7.
Un livre à lire absolument pour découvrir le monde, le vrai monde.