Une Immersion dans le quotidien des travailleurs précaires, Elsa FAYNER, Editions PANAMA, 2008.
Ce livre aurait pu s'intituler ou avoir comme sous-titre VOYAGE AU COEUR DU L'ESPRIT PETIT PATRON FRANCHOUILLARD ou encore VIE QUOTIDIENNE DE LA TROISIEME FRANCE (celle décrite par Jacques ATTALI, sans réseau, sans protection de l'emploi ...) ou enfin GENERATION 700 EUROS (pour reprendre le titre du best-seller italien GENERAZIONE 1000 EURO des romanciers Alessandro RIMASSA et ANTONIO INCORVAIA narrant la vie professionnelle précaire des jeunes transalpins).
Elsa FAYNER, jeune journaliste sortie tout droit de Sciences-Po Paris, n'a pas hésité, pendant plusieurs mois, à mettre l'habit du travailleur précaire en se faisant passer pour une fraîche diplômée de philosophie (le type même de diplôme qui mène tout droit à la case chômage et dont les Français sont pourtant si friands).
Le résultat est effarant. Quel que soit l'emploi trouvé par Elsa FAYNER (télé-conseillère, employée d'un restaurant self-service IKEA, femme de ménage dans un hôtel quatre étoiles), ce sont toujours des salaires particulièrement bas et le temps partiel subi.
Le temps partiel subi. Une particularité bien française (encouragée par des dispositions fiscales mises en place par le gouvernement JOSPIN) dont la conséquence est que le revenu mensuel moyen des travailleurs précaires passent de 1000 euros en Italie à 700 euros en France.
Quant à la méfiance, elle est généralisé aussi bien entre salariés qu'entre employés et employeurs. Le "Je lis aussi sur les lèvres, alors faites attention à ce que vous dites entre vous" d'une responsable d'équipe de télémarketing est particulièrement révélateur de l'esprit petit du patronat français. La société française s'auto-dédruit précisément à cause de cette défiance bien française et qui a été parfaitement mise en exergue dans LA SOCIETE DE DEFIANCE, formidable livre de Yann ALGAN et de Pierre CAHUC
Notre société a particulièrement besoin de corps intermédiaires (des syndicats notamment) pour améliorer les conditions de travail. Or on comprends vite à la lecture du livre de Elsa FAYNER qu'on est loin du discours conformiste de Laurence PARISOT, qui souhaite des syndicats puissants, ces derniers étant considérés, aux vues des témoignages de Elsa FAYNER, comme l'ennemi de l'entrepreneur par les chefs d'entreprise.
Autre aspect de la vie professionnelle sans perspective de la sous-France (en deux mots) : la grande dureté, souvent physique et toujours psychologique, du travail. Seul le géant suédois de l'immobilier semble éviter cette critique en donnant l'impression de davantage se soucier du bien-être de ses salariés.
Il est vrai que la France est championne du monde de la productivité. Et là, les travaillleurs précaires ne sont pas les seuls concernés. C'est toute le corps social qui, dans le secteur privé, vit cette sur-productivité ou hyper-productivité qui vient d'ailleurs compenser la sous-productivité du secteur public due à l'absence de réformes ces 25 dernières années.
Bruno PATIER, chercheur au CNRS, explique très bien que "nous avons la productivité horaire la plus élevée au monde car ceux qui sont restés doivent travailler de façon très intense. C'est un paradoxe absolu, il y a en France moins de gens qui travaillent, moins d'heures et moins d'années que dans beaucoup d'autres pays, mais ceux qui ont un emploi travaillent beaucoup plus dur" (Enjeux Les Echos, n° 248, juillet-Août 2008, p.29).
La faute notamment aux plans de pré-retraites massifs des grands groupes et aux 35 heures généralisées.
Mais alors que faire pour améliorer le sort des salariés français, précaires ou pas précaires ?
Bruno Patier, toujours dans Enjeux-Les Echos (op. cit.) me semble esquisser la solution :
"Notre stratégie a été fondée sur une idée de permanence, qui a engendré des changements négatifs et douloureux. Nous avons certes trouvé de nouvelles niches (les jeux vidéo, les composants informatiques, le TGV ...) mais elles n'ont pas résulté d'une stratégie nationale d'innovation et de R&D. Or il nous reste énormément de champs à investir, comme l'a montré le rapport ATTALI : les biotechnologies, les énergies renouvelables, la santé ... Au total, il nous a manqué une réelle vision d'ensemble positive."
En fait, nous revenons toujours à la même solution : une vraie politique de l'offre qui nous permettra de fabriquer les produits et les services que les autres ne pourront produire.
Mais pour cela, faut-il encore que les Français reprennent confiance en eux ainsi que le goût du risque avec notamment la création de vrais et puissants fonds d'amorçage (voir proposition n° 41 du rapport ATTALI) dont je vente tant les mérites sur feutry.com et qui font aujourd'hui la richesse des Etats-Unis.
Il est clair que la France doit avoir une offre à forte valeur ajoutée. La situation du solde du commerce extérieur en est un excellent révélateur.
Il est nécessaire notamment d'appliquer la majeure partie des décisions du rapport ATTALI (on en est loin) en programmant d'ores et déjà une nouvelle Loi de Mondernisation de l'Economie pour 2009 et en publiant au plus vite les décrets d'application de celle qui vient d'être votée par le parlement ainsi que d'accentuer la réforme du système universitaire en permettant d'améliorer l'employabilité des jeunes diplômés.
Ainsi, aurons-nous des emplois à plus votre ajoutée, où la productivité ne sera plus la préoccupation n°1, qui seront au passage mieux rémunérés permettant une augmentation substantielle de pouvoir d'achat. Il y aura ainsi davantage de clients capables notamment de mieux rémunérer des emplois à forte pénibilité. Le cas britannique le démontre très bien. Il y a 30 ans, la Grande-Bretagne avait des salaires 30 % inférieurs à ceux de la France. Aujourd'hui, le salaire minimum du Royaume-Uni est l'un des plus élevés d'Europe avec le plein emploi qui rééquilibre immanquablement les relations employés-employeurs.
Allons encore plus loin dans les réformes ! Il y a urgence.
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